Film des premières années de Jacques Demy, ce film tient bien plus de la nouvelle vague et de Robert Bresson que des comédies musicales qui vont suivre (Les Parapluies de Cherbourg et Les Demoiselles de Rochefort). Demy filme la relation qui unit Jeanne Moreau, vamp blonde platine pour l’occasion, et Claude Mann en jeune dont le jeu parfait oscille entre l’idéalisme et le cynisme.
Le personnage de Claude Mann est initié au jeu par un collègue de travail, et plonge immédiatement. Déjà, une révolte de la jeunesse, qui refuse la vie de petit bourgeois qu’il mène: il a soif de vivre, de se sentir vivre. Selon Malraux, le jeu est le suicide sans mort, où l’on peut perdre sa vie tout en restant vivant; c’est d’abord cette soif d’absolu qui le pousse, bien vite relayée par une histoire amoureuse après sa rencontre avec Jeanne Moreau.
La force du film est ce parallèle entre les émotions que procurent le jeu et leur histoire amoureuse, le même caractère névrotique et addictif. Le cycle de gains et de pertes, l’abondance de biens et le manque d’argent, se retrouvent dans les hauts et bas de leur histoire commune. Demy suggère que c’est le déséquilibre initial, leur faiblesse profonde, qui unit Moreau et Mann aussi bien dans le jeu que dans leur chassé-croisé amoureux. Jean Fournier, le personnage de Mann, avoue avoir été déjà fiancé et avoir rompu sans raison, Jeanne Moreau a quitté son riche industriel de mari sans qu’elle puisse non plus réellement le justifier. Il n’y aura évidemment pas d’issue à leur histoire, comme tout joueur sait qu’il ne pourra pas décrocher de sa passion.
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